QUESTION 12
Qu'est-ce que la non-violence active ? Un petit résumé.
La non-violence est née au XXème siècle avec le combat de Gandhi, mais elle s'enracine dans de nombreuses spiritualités et philosophies dont la règle d'or indique essentiellement : "Ne fais pas
aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'ils te fassent". Face à l'inhumanité et l'inefficacité de la violence, des écrivains, des philosophes, des mouvements ont cherché les voies d'une
alternative à la violence qui correspondent aux exigences de l'humanité.
Ces précurseurs de la non-violence ont ouvert la voie aux combats non-violents du XXème siècle. Car c'est au siècle dernier que la non-violence a commencé à exprimer toutes ses potentialités dans
le combat politique, particulièrement grâce à Gandhi et à Martin Luther King qui ont su mobilisé avec efficacité leurs compatriotes dans des luttes non-violentes contre les injustices qu'ils
subissaient.
Le XXème siècle a ainsi connu plusieurs personnalités exceptionnelles qui ont su incarner l'exigence de non-violence au service de la dignité humaine. De nombreuses luttes et résistantes
non-violentes se sont développées aux quatre coins de la planète pour défendre les droits de l'homme et des peuples. En Europe, la chute du mur de Berlin en 1989 a constitué l'apogée de
l'efficacité de la résistance civile dans les sociétés dominées par des régimes totalitaires.
Aujourd'hui, face à la culture de violence dominante, de nombreuses organisations oeuvrent pour développer l'éducation et la formation à la non-violence et à la gestion positive des conflits dès
l'école. Signe des temps, l'ONU a déclaré en 1998 la décennie 2001-2010 "Décennie internationale pour une culture de la non-violence et de la paix au profit des enfants du monde" avec comme
objectif de favoriser l'éducation à la non-violence partout dans le monde. Depuis quelques années, des missions d'intervention civile dans les conflits extérieurs se développent ouvrant la voie à
de nouvelles formes de règlement pacifique des conflits internationaux.
Jacques Sémelin, Directeur de Recherche au CNRS et professeur à Sciences Po (Paris) et auteur de « La non-violence expliquée à mes filles » (Paris, le Seuil, 2000), propose 7 manières
d’être et d’agir pour vivre la Non Violence Active.
LA NON-VIOLENCE ACTIVE
pour les jeunes
7 manières d'être et d'agir
1. Refuser d'être victime
Ne plus vouloir être victime, c'est le début d'une démarche non-violente. Qu'on ne dise pas que c'est se conduire comme un mouton : c'est tout le contraire! Refuser d'être victime, c'est rompre
une relation où tu es perdant. Tu dis "pas ça, plus ça". "Ma vie m'appartient…Mon corps m'appartient". Tu exiges qu'on te respecte. Tu veux devenir l'acteur de ta propre histoire.
2. Oser dire
Lutter contre la violence, c'est faire jaillir la parole : ta parole. Oser dire sa souffrance. Oser dire sa peur. Que tu n'es pas d'accord avec ce qu'on te fait. Il faut avoir le courage de
briser la loi du silence. Par exemple, quand un jeune se fait racketté, il est important qu'il réussisse à en parler pour que cela s'arrête. Bien sûr, des jeunes n'ont pas toujours les mots pour
dire. Ils s'expriment avec des coups. Ils se sentent nuls alors ils cassent pour dire encore qu'ils existent. Sans excuser leurs actes, il faut "entendre" leur violence pour les aider à évoluer,
à s'exprimer autrement, en leur proposant des activités, une responsabilité. Alors, ils trouveront peut-être une autre manière de s'affirmer.
3. Susciter le respect
Plus puissant que la violence, le respect. Mais c'est bien difficile! On a tous envie d'être respecté…mais le vrai défi c'est de respecter celui avec qui on n'est pas d'accord, qui nous casse les
pieds. Dans le sport, il s'agit bien de lutter tout en respectant l'adversaire. On entend dire souvent qu'il faut rendre coup pour coup, qu'il faut apprendre à écraser l'autre pour se faire une
place dans la société. Au cinéma, à la télévision, bien des films nous disent que le plus fort, c'est le plus violent, le plus "macho". Mais dans la vie bien réelle, ceux qui respectent les
autres ne sont pas pour autant des perdants. On dit d'eux qu'ils ont une parole on sait qu'on peut leur faire confiance. Comme ils respectent les autres, ils se font respecter. Le respect, cela
commence par apprendre à écouter l'autre. Alors, on sait mieux se faire entendre de lui. Et en coopérant ensemble, on peut aussi gagner!
4. Faire appel à un tiers
La violence, cela revient très souvent à deux camps qui se battent. Sortir de la violence, c'est faire intervenir un tiers qui permette de faire évoluer le conflit. C'est par exemple une personne
qui va peut-être réussir à obtenir que les adversaires acceptent de se parler. Mais le tiers, c'est aussi la Loi. Quand un enfant dit "tu n'as pas le droit de me faire ça", il introduit la loi
entre lui et son agresseur pour lui dire "stop!". Il est aussi important que des adultes posent clairement des limites à des jeunes aux conduites violentes. Leur donner ainsi des repères et des
interdits, c'est les aider à se construire.
5. Devenir médiateur
Celui vers qui on va pour régler un conflit, ce peut être chacun de nous : le médiateur. Face au conflit, nous avons quatre attitudes possibles :
Le rôle du médiateur est précisément de faciliter la recherche d'une telle solution. Quand des personnes sont en conflit, elles ne voient pas forcément la possibilité d'un compromis. Le médiateur
n'a pas à prendre partie pour l'un ou pour l'autre mais plutôt de les aider à trouver une solution par eux-mêmes. On devrait enseigner cette manière de gérer les conflits dès l'école.
6. Elaborer des règles en commun
La violence résulte souvent d'un problème collectif, d'une injustice. A l'école, au travail, quand la violence apparaît, c'est souvent le signe que quelque chose ne va pas dans le
fonctionnement du groupe. Alors mieux vaut en parler ensemble et rediscuter les règles de vie. Dans les collèges difficiles, on sait que lorsque les jeunes sont vraiment associés à la définition
des règles, cela va plutôt mieux après. Normal : leur parole a été prise en compte et ils se sentent reconnus.
7. Construire un projet
Oser dire…Redéfinir les règles…c'est important. Mais cela ne dit pas le sens de ce qu'on fait, de ce qu'on vit. Le sens, c'est le projet. Par exemple, Quelles solutions proposer pour mieux vivre
dans son quartier, pour faire baisser la violence? Certains pensent qu'il n'y a rien à faire ; sauf à mettre les jeunes en prison ou à quitter la cité. Pourtant, des méthodes existent qui
consistent à permettre aux jeunes d'exprimer leur rage, aux policiers leur ras le bol, aux gardiens de HLM leurs frustrations, etc. Mais cette nécessaire expression des émotions et des
besoins n'est pas suffisante. Réussiront-ils par la suite à transformer leurs rapports quotidiens et se poser la question : comment vivre ensemble. sur quelles bases réorganiser nos
relations pour que la cité soit plushumaine? En somme, quel projet collectif mettre en œuvre malgré nos différences ou plutôt grâce à nos différences ? C'est cela le projet de la
non-violence.
* * *
Conclusion
Prises isolément, ces sept manières de répondre à la violence ne sont pas suffisantes. Mais ensemble, elles constituent un tout cohérent : celui d'une pédagogie de l'action. Pour être mise en
oeuvre, cette pédagogie a besoin d'être portée par des personnes déterminées à promouvoir la résolution non-violente des conflits. A l'échelle individuelle, ce peut être chacun de nous. A
l'échelle collective, ce peut être aussi bien des associations que les pouvoirs publics. Il y a mille et une manières de développer cette pédagogie de la non-violence active.